

J'ai eu mon premier piercing à dix-sept ans, je me suis également rasé la tête, c'était la fête. C'était ma période de rébellion adolescente. J'ai aussi essayé la pose d'aiguilles sur le corps. De la transe pure. Pour moi c'était aussi fort que beaucoup de rapports physiques.
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Un corps qu'il s'agit de faire sien : devenir lisible à soi-même, encrer les traces de ce qui fait sens. De l'opacité de ses histoires premières elle a fait des transparences. La voici à l'orée d'elle même.
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- Trop similaires pour deux êtres complètement différents. Existe-t-il un remède ? Mettre une tête sur le mauvais corps. Mutilation, mutation ?
- Aimer et travailler son corps afin d'accentuer nos différences et notre individualité. Ne rien attendre en retour si ce n'est du respect.

Je suis Lukas Zpira, 01, d'une nouvelle expérimentation artistique basée sur la mutation. Mon nouveau corps est avant tout une œuvre dédiée à la vie dont le message est le pouvoir d'évolution, la possibilité de remise en question. Ne vous étonnez donc pas si je ne suis déjà plus l'homme que vous avez devant les yeux.
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J'étais une petite fille lorsque j'ai découvert l'odeur si particulière des hôpitaux. Les médecins m'ont ouvert en deux, coupé un bout de ma jambe et recousu le tout avec un grand fil noir. J'ai dû porter pendant longtemps des bandages, des béquilles et des vêtements trop serrés pour essayer d'atténuer cette vilaine cicatrice qui ne me plaisait pas beaucoup. Maintenant, j'ai grandi et je choisis moi même les marques que je veux avoir sur mon corps. Sur ma jambe, tout autour de la cicatrice qui a contribué à faire de moi celle que je suis aujourd'hui, sont gravées de jolies lignes qui me font sourire quand je les regarde.
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Le tatouage m'a offert la possibilité d'être l'artisan de la reconstruction de mon propre corps. Le plaisir du contrôle spirituel de la douleur, le bruit de la machine à tatouer, l'odeur du désinfectant, la complicité avec le tatoueur, le côté irréversible du marquage procurent des sensations très fortes.
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Les modifications sont un combat mené contre la médiocrité de l'existence, des options rattachées à la machine. Je cherche ma propre identité grâce au travail sur le corps. La douleur que je m'inflige me rappelle les étapes passées.
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Me différencier des autres, être tatoué de manière permanente, irrémédiablement. Je garde mes vieux tatouages sans jamais les recouvrir. Ils sont la marque d'une époque, sorte de mémoire des événements de ma vie. J'aime interpeller les gens autour de moi avec mes tatouages, leur faire partager en attendant une réponse positive de leur part.
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Mes modifications sont des stigmates : des vecteurs de sens, les traces d'un passé douloureux, forcément, dont je voulais qu'il fut visible. La première fut une auto-scarification que je réalisais intuitivement et spontanément, il y a huit ans. Ce rituel initiatique, je le répète régulièrement. Au contraire d'une mutilation ou d'une quelconque destruction, il symbolise ma renaissance.
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Juste après la pose de mes implants, j'ai eu l'impression de ne plus être le même. Maintenant, les copains m'appellent 'double téflon'.
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Mon éducation m'a enveloppée d'interdits corporels. Ma mère m'a inculqué très tôt la peur des rapports sexuels. Il fallait que je me réapproprie mon corps. J'ai choisi les modifications corporelles pour exorciser cette peur. J'ai appris que la mienne remontait probablement avant ma naissance. Si je me tatoue, c'est peut-être à cause de Hitler qui a gazé ma grand-mère. Les souffrances infligées se répètent de génération en génération. Je me les inflige symboliquement à moi-même.
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Mes modifications sont nées de désirs impulsifs, de ma curiosité et se sont développées avec l'envie d'acquérir ma propre personnalité.
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Quel est le mot juste ?
Destruction ou renaissance
Violence ou évolution
Rejet ou reconnaissance
Souffrance ou plaisir
Appartenance ou liberté

Bientôt mon corps portera des courbes homogènes et des histoires dessinées. Des petites coupures semblables à des morsures exquises aux finitions aussi violentes que douces. Mon esprit s'exalte à l'idée d'observer ce corps qui était vierge cicatriser. Cela devient l'effervescence de ma sensibilité corporelle, aussi intense que l'euphorie lors des jeux érotiques.
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J'ai eu mon premier piercing à douze ans, beaucoup par désir de provocation. Je n'aime pas passer inaperçu et parfois, j'attire l'agressivité.
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J'oublie parfois que je suis tatouée et j'aime ce que l’artiste m'a marqué sur le corps.
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Un corps qu'il s'agit de faire sien : devenir lisible à soi-même, encrer les traces de ce qui fait sens. Corps palimpseste des rencontres.
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'À vos marques !' Marquer mon corps, mieux comprendre mon âme. Telle est ma voie. Voie de la douleur ? Adolescent, je me suis fait mal. Douleur innocente, anorexie, boulimie. Rien de létal. J'ai appris la privation de nourriture, le mal de ventre qui dure. Dur. Puis, je suis devenu coureur de fond. Transformer le mal de ventre en mal de jambe. Donner une fonction aux glucides ingurgités. Apprendre la douleur noble... Serrer les dents et aller plus loin, plus vite... Le tatouage c'est, pour moi, une évidence, une étape nécessaire sur la route du 'connais-toi toi-même'. Aujourd'hui, lorsque je montre mes tatouages, j'affiche ma douleur... Mon plaisir.
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J'ai agrandi progressivement mes deux piercings aux tétons. C'est une étape de ma vie. Je ne les enlèverai pas, je serais perdu autrement.
FermerParoles du corps
1999 – 2003
Mes voyages en Asie depuis vingt ans m’ont permis d’assister à des cérémonies religieuses où les participants subissaient des épreuves de mortifications physiques. En rapport avec ces expériences, j’ai voulu connaître les motivations des personnes qui s’infligeaient des marquages corporels. Sur une période de trois ans, j’ai réalisé en studio des portraits d’hommes et de femmes portant des tatouages, des scarifications, des implants destinés, selon eux, à transformer leur corps en œuvre d’art. Par des détails mis en lumière ou laissés dans la pénombre, photographiés à distance ou en gros plan, ces corps sont contemplés comme des paysages, des objets sculpturaux. Par leurs paroles, les modèles expriment leurs motivations, leurs sentiments par rapport au regard que la société porte sur eux.