

Je suis née à Bangkok dans une famille socialement très privilégiée. Quand j'étais petite, je vivais près d'une ruelle très tranquille, au coeur de la capitale. Je pouvais y jouer toute la journée avec mes amis. Ensuite, mes parents ont vendu notre maison de famille à un cousin qui s'est empressé de la raser et de construire sur le terrain un centre commercial. Il est devenu très riche en quelques années puis il a rapidement perdu toute sa fortune. Je pense que le mauvais sort s'est acharné contre lui car il a vendu notre héritage ancestral. Maintenant la ruelle où je jouais est devenue un des lieux les plus surpeuplés de Bangkok. Ça me rend très triste. La plupart des gens n'ont pas de vision à long terme, leur seul projet est de se remplir les poches le plus vite possible. Si nous voulons que Bangkok s'humanise et que le pays se développe harmonieusement, la mentalité des thaïs doit évoluer. Les bouddhistes contribuent positivement à cela. À l'université où j'enseigne j'insuffle ces idées à mes étudiants. Faire réfléchir les jeunes est essentiel car ils seront les leaders de notre pays dans le futur.
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Je suis originaire de Sinburi au nord de Bangkok. Je suis venu dans la capitale pour suivre mes études universitaires. J'étais très excité à l'idée de vivre ici, tout est si différent de mon village. Chaque semaine je retourne dans ma province, je m'y sens plus libre. Tout le monde se connaît. Je ne me sens pas en sécurité à Bangkok, je m'y sens seul, anonyme. Si j'ai des problèmes, personne ne peut m'aider, ma famille est si loin. En revanche la capitale m'inspire dans mes peintures, beaucoup plus que mon village. Je fais beaucoup de dessins à la campagne et je les vends à Bangkok. Plus tard j'aimerais rester vivre à Bangkok où il y a plus de débouchés professionnels. J'ai besoin de l'environnement urbain pour mûrir et avoir du succès dans mon travail.
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Je suis né à Bangkok, dans le quartier populaire de Din Daeng. La vie n'y était pas facile. Des maisons du quartier étaient régulièrement incendiées par des gangs pour récupérer les terrains où nous habitions. Mes parents ont pris peur et nous avons déménagé. J'ai ensuite étudié l'art à l'université et je vis maintenant de mes peintures. Comme je suis tatoué, les gens me regardent parfois d'un drôle d'oeil. Ils ont peur de s'asseoir à côté de moi dans les bus. À Bangkok je me sens parfois seul dans la foule. Je préfère vivre la nuit quand la ville est plus calme. Je peux rencontrer mes amis plus facilement car il y a moins d'embouteillages. J'aime mon look et ma vie d'artiste, je me sens différent des gens ordinaires. Maintenant les jeunes sont plus individualistes. C'est très positif. Nous avons plus de liberté, la scène artistique se développe.
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Il y a plus de vingt-cinq ans, vivre à Bangkok était beaucoup plus facile. La population était moins nombreuse, le trafic automobile moins dense, les déplacements plus rapides. Ensuite, la qualité de l'environnement a dramatiquement baissé. L'eau des canaux est devenue noire comme de l'encre, l'air est devenu irrespirable. Malgré les difficultés, j'aime cette ville car tout y est facile d'accès. Je suis musulmane et toute ma famille vit à Bangkok. J'habite dans le quartier musulman de la rue Samakkee. J'ai des amis bouddhistes et je travaille pour le gouvernement.
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J’ai étudié plus de dix ans à Paris. Lorsque je suis rentré à Bangkok, ma perception de la ville avait changé. J’avais envie de participer à des projets de création artistique car la population était très demandeuse de culture. Par là même, je me sentais participer au développement de mon pays. Il m’était très difficile de faire cela à Paris car j’étais étrangère. Lorsque j’étais une enfant nous vivions à Kannayao, un petit village à 30 kms de Bangkok. Il y avait seulement une route qui serpentait à travers champs. Nous devions aller au puits chercher de l’eau potable. Maintenant, les immeubles, les stations d’essence et les autoroutes ont poussé comme des champignons. Mon village est devenue une banlieue de Bangkok et personne ne sait où s’arrêtent les limites de la capitale. Il y a peu de temps, j’étais en voiture, arrêtée à un feu rouge. Je regardais un couple de personnes âgées qui chantait et jouait de la musique. C’étaient des paysans et ils paraissaient perdus dans le rythme infernal de la ville. J’ai commencé à pleurer et je ne pouvais plus m’arrêter.
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Je suis originaire de la ville de Savannakhet au Laos. Je vis à Bangkok depuis sept ans. La première fois que je suis venu ici, j'étais très fier et heureux de pouvoir visiter cette grande ville. J'ai réussi à trouver un travail dans un restaurant. Ensuite, pendant quelque temps j'ai vendu des crêpes dans la rue. J'étais heureux d'être indépendant mais le mauvais sort m'a fait arrêter ce travail. Je suis maintenant serveur dans un restaurant, dans un quartier universitaire. Je travaille plus de douze heures par jour et je peux rencontrer facilement des Thaïs et des occidentaux. J'ai de plus en plus d'amis. Quand je suis heureux à la fin de ma journée, je sens que ma vie s'améliore. Je préfère vivre à Bangkok plutôt qu'au Laos bien que je pense souvent à mon village. Ma mère me manque. Lorsque j'ai le temps de visiter la ville, ni la pollution ni les embouteillages ne m'arrêtent. J'aimerais ouvrir mon propre restaurant, mais je sais que je n'aurai jamais assez d'argent.
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Je viens du nord de la Thaïlande où j'étais vendeuse de rue. Il y a vingt-sept ans, avec mon mari et mes deux enfants, nous nous sommes installés à Bangkok, dans le bidonville de Klong Toey. La majorité de nos voisins étaient des gens de la campagne. Tout le monde espérait avoir une vie plus facile dans la capitale. Maintenant mon mari est mort. Nous vivons tous dans la même maison avec mes deux enfants et mes quatre petits-enfants. Nous dépendons du salaire de ma fille qui est comptable. Mon fils est un ancien drogué, il passe ses journées à ne rien faire. Nous avons aussi obtenu la gratuité des médicaments et des livres scolaires. Mon seul espoir est de voir mes petits-enfants acquérir une bonne éducation. La seule chose qui m'inquiète ce sont les incendies organisés par la mafia liée aux propriétaires de nos terrains. La spéculation foncière étant énorme, ces derniers sont prêts à tout pour nous chasser de nos maisons.
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Je suis né dans le bidonville de Klong Toey. J'aime cet endroit, mes meilleurs amis vivent ici. Tout le monde vivait en harmonie avant l'arrivée de la drogue. Un jour j'ai vu deux enfants de huit ans sniffer de la colle près de chez moi. Je connaissais l'un d'entre eux, toute sa famille prenait de la drogue. J'aurais aimé leur dire que c'était mauvais pour eux. Je hais la drogue. Une fois, j'ai vu des gens se tirer dessus. J'encourage les jeunes de mon quartier à faire du sport. Je suis heureux d'aller à l'école en bus à l'extérieur de klong Toey. Ca me permet de visiter Bangkok. Parfois je pars à la campagne avec des amis. J'adore respirer les fleurs, l'air pur, grimper sur les collines et observer les oiseaux et les chauves- souris. Plus tard, je rêve d'emmener mes parents à la campagne et d'avoir un élevage de crevettes. Mon quartier est situé sous un échangeur d'autoroute et des camions viennent s'y garer constamment. J'aimerais qu'ils quittent notre quartier, l'air serait moins pollué. À l'école, je dis toujours que j'habite à Klong Toey, j'en suis très fier.
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J'ai quitté le sud de la Chine en 1947, j'avais alors dix-neuf ans. Je suis arrivé à Bangkok où je ne connaissais personne. Je dormais dans les rues. Pendant les pluies de la mousson, je ne fermais pas l'oeil. Je faisais toutes sortes de travaux, réparations électriques, peinture, tout ce que je pouvais trouver. J'ai eu assez d'argent pour louer une chambre et par la suite une petite maison. Je me suis marié à vingt-trois ans. J'ai appris la langue du pays en discutant avec les Thaïs. À cette époque, les mariages mixtes étaient fréquents, il n'y avait aucun problème de relation entre les chinois et les thaïs. La ville avait une physionomie très différente. Il y avait des cultures de riz, des canaux et des jardins à la place des gratte-ciels actuels. La population se déplaçait à bicyclette et quelques milliardaires possédaient des voitures. Il y en avait une cinquantaine en ville. Il y avait peu d'étrangers. La vie était calme, il y avait peu de crimes. Les différences sociales étaient moins marquées. Les gens se parlaient facilement. De nos jours, il n'y a que l'argent qui compte. Il y a trop de corruption, spécialement dans l'armée et la police. La vie est devenue plus dure pour les gens ordinaires.
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J'ai toujours vécu à Bangkok avec ma famille. Je suis un produit de cette ville. Il m'a fallu du temps pour découvrir mon identité profonde et décider d'être un artiste. Dans cette ville tout le monde ne pense qu'à l'argent et à grimper dans la hiérarchie sociale. Moi, je ne suis pas intéressé par le consumérisme. J'essaye de trouver ma voie grâce au bouddhisme. Ce que je cherche est à l'intérieur de moi et non à l'extérieur, dans la ville et ce qu'elle m'offre. Je désire apprendre plus sur la souffrance que sur le bonheur. C'est très difficile en vivant à Bangkok de nouer des relations profondes avec les gens. Ici la plupart des rencontres se produisent dans le cadre du travail et sont superficielles.
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C’est la première fois que je visite ma famille à Bangkok. Les gratte-ciels, les grands centres commerciaux, le métro aérien, les belles maisons, la profusion de vêtements et de nourriture, le gigantisme de la ville m’ont impressionnée. Je suis originaire de Katin, un petit village du nord-est de la Thaïlande et j’aide mes parents dans leur ferme. Si j’en avais la possibilité, j’aimerais venir vivre dans la capitale. J’aurais plus de choix pour trouver un partenaire et mon père serait satisfait de voir ma vie s’améliorer. Je me demande pourtant si je serais heureuse avec le bruit incessant et la pollution.
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Étant enfant, je vivais à l'ouest de Bangkok. Je nageais souvent dans un canal près de ma maison et je cueillais des fruits dans les jardins. Je regrette cette époque. Par la suite, de nombreux migrants sont arrivés dans la capitale et beaucoup d'habitants de Bangkok sont partis s'installer en province. La physionomie de la ville a beaucoup changé mais je serais incapable de vivre ailleurs qu'ici. Je suis performer et Bangkok m'inspire dans ma pratique artistique. Une fois, j'ai fait une performance sans autorisation dans le métro aérien et des vigiles m'ont arrêté. L'influence occidentale est énorme ici. Le développement économique a été trop rapide et a entraîné une corruption endémique. Les rapports humains deviennent plus difficiles. J'espère que les choses s'amélioreront dans le futur. Je regrette en tant qu'artiste d'être impuissant à changer la société.
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Mon père est américain, ma mère est Thaï. Je suis née en Pennsylvanie. J'avais un an lorsque je suis arrivée à Bangkok. J'ai fait mes études secondaires en Thaïlande et mes études universitaires aux USA. J'ai des amis dans les deux pays. En Amérique, les gens sont très individualistes. En Thaïlande, la structure familiale est très importante, les gens s'entraident. À Bangkok, les gens sont plus relax. Je trouve cette ville très excitante. C'est un endroit incroyable, chaotique. La nuit, on peut traverser la ville très rapidement. Les taxis sont bon marché, on peut manger dans la rue à n'importe quelle heure. Lorsque la police nous arrête pour des contrôles en voiture, mon ami leur donne un peu d'argent pour éviter les problèmes. C'est impossible de faire cela aux USA. Je suis mannequin pour des agences de publicité. Ils recherchent beaucoup les métis pour ce type de travail. La plupart des gens sont surpris de m'entendre parler thaï car je ne ressemble pas à une asiatique.
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Je suis venu étudier le droit à Bangkok et je vis ici depuis quatre ans. Je suis dans la meilleure université privée de la ville et je viens d’obtenir ma licence. Je vais retourner travailler un ou deux ans à Chonburi d’où je suis originaire, j’aurai plus de temps libre là-bas. Je vais me spécialiser en droit commercial et revenir à Bangkok dans deux ans. Il y a plus d’opportunités de travail dans la capitale. J’espère seulement que les problèmes d’environnement s’amélioreront dans le futur.
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Je suis né dans le nord de Bangkok où toute ma famille réside. Mon quartier est assez dangereux, mais j’ai appris à me défendre en grandissant. Je suis un artiste et je ne peux créer si je ne me sens pas en sécurité. Nos voisins sourient à tout le monde, mais ne nous ont jamais adressé la parole. Je n’ai aucun ami dans le quartier. J’aimerais vivre à la campagne et amener avec moi mon père qui a des problèmes respiratoires.
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À l'âge de seize ans, je suis venue m'installer à Bangkok. Je trouvais la ville très excitante. Je travaillais à la chaîne dans une usine de fabrication de plastique. C'était très dur, mais ça me permettait de survivre. Je partageais une chambre avec des gens originaires de ma province, l'Isan. Un jour, j'ai postulé pour un travail de serveuse, mais on m'a dit que ma peau était trop sombre pour avoir un contact avec les clients. Par la suite j'ai exercé d'autres métiers, réceptionniste, vendeuse de rue. J'ai rencontré des étrangers qui m'ont appris l'anglais et l'informatique. Maintenant, j'ai perdu toutes mes illusions, mais je continuerai à vivre ici même si cette ville est un enfer.
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Je viens du nord-est de la Thaïlande. Dans ma province, tout le monde cherche à venir à Bangkok pour avoir une vie meilleure. La première fois que je suis arrivé, j'étais fasciné par tout ce que la ville offrait. Plus tard, j'ai travaillé dans un hôtel de la capitale comme vigile et j'ai réalisé que la vie ici n'était pas celle que j'avais rêvée. À l'hôtel, tout le monde me rabaissait, j'ai du apprendre mon métier moi même. C'était difficile de se faire des amis. Peu de temps après mon père est mort et j'ai du revenir dans mon village. J'ai perdu mon emploi mais par la suite, j'ai eu l'opportunité de travailler à Taiwan où je suis resté trois ans. J'y ai appris le mandarin. À mon retour, j'avais beaucoup d'argent et je suis entré dans une école de tourisme enseignant également le mandarin. Maintenant, Bangkok n'est plus un paradis pour moi. Pourtant je m'y sens libre et j'ai quelques amis. Dans quelques années, j'espère ouvrir une agence de tourisme dans ma province. Là bas, les gens sont plus gentils. Dans mon enfance, j'ai appris la politesse et nos traditions ancestrales. À Bangkok, les gens n'ont rien à faire de tout cela.
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Il y a vingt ans, Bangkok était une ville horrible, surpeuplée et polluée. À cette époque, je suis partie étudier en Europe. La Hollande m’a particulièrement plu. L’environnement y était sain et l’atmosphère des villes paisible. Je suis retournée à Bangkok en 1988. Je détestai la ville qui était paralysée par des embouteillages constants. La compétition sociale y était implacable. Actuellement, les conditions de vie se sont améliorées. La municipalité a construit un périphérique pour décongestionner le centre-ville, planté des arbres et des aires de jeux pour les enfants. Si les politiciens donnent la possibilité aux habitants de participer à la gestion de la ville, notre vie continuera à s’améliorer.
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Portraits parlants
2004
J’ai choisi ces personnes vivant à Bangkok pour qu’elles me parlent de leur relation avec leur ville. Ces rencontres m’ont fait ressentir les espoirs et les désillusions d’une population confrontée aux mutations radicales engendrées par le développement chaotique d’une mégalopole depuis les années 90.