• Paranormia

    (en cours)
    Paris, printemps 2020 : seuls ou en groupes, les gens marchent, la tête baissée, fuyant les regards. Ils ne s'approchent pas trop près de moi et des autres corps qui les croisent, humant l’air vicié sous leur masque humide. J’arpente la capitale, passant des quartiers du centre-ville aux faubourgs populaires. Je redécouvre le plaisir de la marche rapide et la sensation de mon corps qui fatigue. La ville la plus dense d’Europe a muté : rues vides, touristes absents, terrasses désertes. Plus les jours s’écoulent plus mon exploration devient lente, apaisée. Je photographie maintenant des détails auxquels je n’aurais jamais prêté attention auparavant: une arrière cour vide, des éléments d’architecture incongrus, des graffitis politiques… Les saisons se succèdent et une certaine résilience s'installe, par delà les frayeurs collectives et les injonctions multiples. Après les corps contraints, je photographie les corps « hédonistes » : les gens qui se rassemblent au soleil, les couples qui s’enlacent, les collégiens qui s’interpellent joyeusement.
  • Bangkok

    2003 - 2018
    Alain Soldeville documente les mutations opérées par la Thaïlande pour passer d’une culture traditionnelle, basée sur la monarchie et la religion, à une modernité globalisée. Ses photographies montrent des rues désertes, des images publicitaires tape à l’œil, des bâtiments délabrés et des "shopping malls" flambant neufs. Elles capturent les juxtapositions incongrues et anarchiques de l’environnement urbain de Bangkok. Extrait de l’article d’Oliver John : "Caught between tradition and modernity".
  • Phra Chao You Hoa

    2006 - 2016
    Le roi de Thaïlande Bhumibol Adulyadej (1927-2016), 9ème souverain (Rama IX) de la dynastie des Chakri était le plus ancien monarque en exercice dans le monde, ayant été désigné pour succéder à son frère le 9 juin 1946. Couronné en 1950, souverain constitutionnel (la monarchie absolue a été abolie en 1932), il était un des piliers de l'unité de la Thaïlande. Il est intervenu à plusieurs reprises lorsque le pays a traversé des coups d’état militaires. Il a œuvré une partie de sa vie pour initier des projets de développement dans les zones rurales du royaume. Vénéré par la population, il possédait un statut quasi divin. Les Thaïlandais l’appellent respectueusement « Phra Jao you Hoa », ce qui signifie le dieu du peuple. Nul ne pouvait contester ses avis et ses recommandations et tout ce qui touche à sa personne est encore extrêmement sensible. Ses portraits, à différentes époques de sa vie, sont omniprésents dans tout le pays, dans l’espace public, à chacun de ses anniversaires. Ils se dressent, sous forme de tirages numériques géants sur bâches, sur les façades des immeubles, sur les avenues proches du palais royal, dans les halls des bâtiments publics et des compagnies privées, sur les quais des stations du métro, sur les parkings et les entrées des centres commerciaux, sur les façades des musées d’état. Les portraits proviennent des archives photographiques de la maison royale ou de commandes passées à des artistes peintres.
  • Balzac

    2009 et 2011
    En 1984, la municipalité de La Courneuve récupère la gestion de la cité des 4000 et initie un grand plan de rénovation urbaine. À partir de 1986, plusieurs barres d’immeubles sont détruites et remplacées par de petits immeubles HLM. La barre Balzac, haute de 50 mètres (15 étages) et longue de 185 mètres, a été construite en 1964. En 2009, j'ai eu accès à des appartements le jour où les familles déménageaient. Au fur et à mesure que l’immeuble se vidait, il devenait une zone de non droit. Les dealers squattaient les appartements inoccupés pour y entreposer leur marchandise et intimidaient les familles isolées. Je voulais garder une trace de la mémoire des lieux. Mon projet initial s'est décalé dans un entre-deux: je photographiais les pièces vides et celles qui ne l'étaient pas encore. La décoration, les inscriptions sur les murs, les objets abandonnés, les vêtements et les bibelots délaissés représentaient autant d'empreintes du quotidien que de fragments de vie. En 2011, j'ai photographié de nouveau les appartements vidés de leurs occupants, alors que les travaux de destruction progressaient. Mises bout à bout, ces photographies évoquent le passage du temps en jouant sur différents niveaux de temporalité.
  • Portraits chinois

    2006 - 2008
    Au milieu du 19ème siècle, Bangkok a connu un fort développement économique. Les immigrants chinois ont contribué à cette prospérité. De nos jours, la proportion de Thaïs d’origine chinoise représente 14% de la population, soit environ dix millions de personnes. À Bangkok, une grande majorité de familles ont des ancêtres chinois. La plupart sont les descendants de 3ème ou de 4ème génération du million d’immigrants chinois qui sont arrivés dans les années 1920-1940. Pour bien s’intégrer, les migrants ont dû renoncer à leur culture et devenir "Thaï", c’est-à-dire abandonner leurs noms d’origine et l’usage de leur langue dans les lieux publics. Ces photographies datent pour la plupart des années 1930-1960 et ont été réalisées dans des studios du quartier de Chinatown à Bangkok. Dans "L’amant", Marguerite Duras se souvient de cette tradition de la photographie de famille quand la mort approche, lorsqu’elle a vécu enfant à Saigon : "Tous les gens photographiés donnaient presque la même photo, leur ressemblance était hallucinante. Les portraits étaient retouchés, de telle façon que les particularités du visage, s’il en restait encore, étaient atténuées. Les visages étaient apprêtés de la même façon pour affronter l’éternité, ils étaient gommés, uniformément rajeunis. Tous les hommes avaient le même turban, les femmes le même chignon, les mêmes coiffures tirées, les hommes et les femmes la même robe à col droit. Ils avaient tous le même air que je reconnaîtrais encore entre tous".
  • Busy people

    2005 - 2008
    Cette série a été réalisée à Bangkok et complétée dans le cadre d'une résidence d'artiste. Les photographies ont été faites à l'heure du déjeuner dans le quartier d'affaires de l'avenue Silom. Lors de différents séjours j'avais arpenté cette avenue qui est une artère marchande du centre ville et j'avais été frappé par l'atmosphère qui y régnait. Entre midi et deux heures de l'après-midi, les employés des banques et des administrations sortaient en trombe de leurs bureaux. Beaucoup semblaient indifférents à ce qui se passait autour d'eux, perdus dans leurs pensées, tendus, l'esprit encore au travail. Je me laissais porter par le flux incessant de la foule montant et descendant l'avenue et je photographiais tout en marchant. Je remarquais que les femmes avaient un comportement différent des hommes. Ces derniers paraissaient stressés, ils essayaient d'éviter les gens sur leur passage et leurs émotions se lisaient sur leur visage. Les femmes, en général plus décontractées, plaisantaient avec leurs collègues. Cette série montre les Thaïs contemporains, ceux des grandes villes qui ne sourient pas toujours, comme le prétendent les posters des publicités touristiques.
  • Portraits parlants

    2004
    J'ai choisi ces personnes vivant à Bangkok pour qu'elles me parlent de leur relation avec leur ville. Ces rencontres m'ont fait ressentir les espoirs et les désillusions d'une population confrontée aux mutations radicales engendrées par le développement chaotique d’une mégalopole depuis les années 90.
  • La plus belle des fables

    D’octobre 2001 à juillet 2008, j’ai photographié en France, une vingtaine de couples d’origines sociales diverses. Certaines images obtenues sont la reconstruction d’une réalité vécue et "racontée" par les couples. D'autres sont à mi-chemin entre la réalité et la fiction. Toutes explorent la poésie et la théâtralité du quotidien par la représentation du corps dans l’espace domestique et l’espace public.
  • Paroles du corps

    1999 - 2003
    Mes voyages en Asie depuis vingt ans m'ont permis d'assister à des cérémonies religieuses où les participants subissaient des épreuves de mortifications physiques. En rapport avec ces expériences, j'ai voulu connaître les motivations des personnes qui s'infligeaient des marquages corporels. Sur une période de trois ans, j'ai réalisé en studio des portraits d'hommes et de femmes portant des tatouages, des scarifications, des implants destinés, selon eux, à transformer leur corps en œuvre d'art. Par des détails mis en lumière ou laissés dans la pénombre, photographiés à distance ou en gros plan, ces corps sont contemplés comme des paysages, des objets sculpturaux. Par leurs paroles, les modèles expriment leurs motivations, leurs sentiments par rapport au regard que la société porte sur eux.
  • Carnets indiens

    1981 - 1982
    À la fin de 1980, j’ai quitté l'Europe pour un long périple de deux ans en Asie et en Australie. Arrivé à Colombo, j’ai voyagé lentement découvrant Sri-Lanka, l’Inde et le nord du Pakistan au gré des rencontres et au rythme des saisons. Réalisées de l'Himalaya à la vallée du Gange et du Rajasthan aux confins de l'Océan Indien, ces photographies sont la chronique d'une période d'errance.
  • Bugis street

    1981 et 1984
    Décembre 1980, je quitte Paris pour un voyage de deux ans en Asie et en Australie. Après un mois passé à Bangkok, j’arrive à Singapour où je prends pension dans un hôtel de routards. J’ai lu un article sur Bugis street, lieu de rendez-vous de la communauté transgenre. Quelques jours plus tard, autour de minuit, je me dirige vers Bugis street et je fais la connaissance d’Anita, une transgenre de 23 ans. Dans les semaines qui suivent, nous devenons proches et elle me présente à son groupe d’amies. Elles aiment que je les photographie et elles prennent la pose comme des stars. Au bout de deux mois, à court d’argent, je dois quitter Singapour pour l’Australie. J’y reviendrai en 1984 et j’apprendrai que le quartier de Bugis street va être détruit pour y construire un métro.
  • La Note Bleue

    1979 - 1981
    « José A avait utilisé pour la première fois un appareil photo Kodak en plastique lors de son voyage en Afghanistan pendant l’été 1978. Ce voyage lui avait servi de révélateur : l’envie d’être musicien s’était peu à peu estompée et un autre désir avait pris le relais, devenir photographe ». Ses premières images nous entrainent de la France à l’Angleterre, l’Australie, la Thaïlande et Singapour, et sont un reflet des événements vécus ou un produit de sa propre imagination.